mardi 25 mars 2014

La remplaçante

Comme je vous l'ai dit précédemment, je suis donc INSTIT. Prof des écoles. "Maicresseeeeee".
Je travaille dans une école formidable, où , à défaut d'avoir des élèves, tous les enseignants le sont. Eux. Formidables.

Dans mon école, on achète le chocolat au kilo en disant, le 6 janvier, que ça devrait finir l'année. Le 18 mars, on s'aperçoit que le stock est.... Terminé. Liquidé. Lessivé.


Dans mon école, on invite tous ses collègues à ses anniversaires, voire même à ceux de son mari, limite ceux des ses gosses. On participe à des soirées à thème (punk, mariage pour tous...). On valide des paliers du socle commun (danse, palier 1 / mojito, palier 2...)

Dans mon école, y a mes copines. On s'achète les mêmes portables (dans des couleurs différentes) les mêmes trottinettes, on parle fringues à la récré, épilation au déjeuner.

Dans mon école, on cherche constamment de nouveaux sujets non pédagogiques à explorer pendant le déjeuner (Quoiiiii ? T'as pas regardé le dernier épisode de Broadchurch ?!!!!)

Bref, tout allait bien jusqu'à ce qu'hélas, l'une d'entre nous décide de mettre au point son dernier bébé. Et ne disparaisse provisoirement.

C'est à ce moment là que nos vies ont basculé.
Je vais vous dire franchement, de manière générale, j'aime bien les gens. La plupart des gens. Je sais que je peux sembler avoir la critique facile, mais en fait je suis plutôt bon public. La preuve, j'ai regardé tous les épisodes de ceci :
   

(Je sais, ça n'a quasiment aucun rapport, mais je cherche le thème de ma prochaine battle de série, et quand même, le fait que j'aie pu regarder ça, ça veut dire que je peux potentiellement aimer tout et n'importe quoi... Et donc, n'importe qui...)

Donc, quand un instit s'absente un peu longtemps, on essaie généralement d'en trouver un autre qui fera aussi bien, voire mieux. (Ça, c'est la théorie...)
Pour ceux d'entre nous qui ne seraient pas enseignants, il est donc nécessaire que je procède à une petite remise au point.
Les remplaçants, il y en a de deux sortes.
Ceux que j'admire énormément, car c'est un métier drôlement difficile : arriver dans une classe, proposer des choses à des élèves qu'on ne connait pas et qui peuvent littéralement vous rendre la vie impossible... du genre... changer de place, de prénom, vous faire croire qu'ils ont jamais appris quoi que ce soit, etc.

Mais hélas, il y a beaucoup de remplaçants qui sont remplaçants car on a estimé que... c'était mieux comme ça. (et ce n'est pas un compliment). Pour certains, le remplacement remplace... la porte. L'éducation nationale est bien faite, on n'y rentre pas facilement, mais on en sort encore moins facilement. CQFD.

Voilà donc qu'un beau matin, nous, dans notre école des bisounours du bonheur, on a vu arriver ce qui se fait de mieux en la matière.
Laissez moi vous faire son portrait. Je ne m'attaquerai pas au physique, car ce serait mesquin (et que nous réservons cette médiocrité à notre pause déjeuner, entre deux débats sur la vasectomie et les qualités d'acteur de Mickaël Youn...). Je vais plutôt vous brosser le portrait psychologique de ma voisine de classe (car oui, en plus, on a une porte en commun qui relie nos deux classes.... c'est un peu comme être voisine de chambre au CROUS, on entend tout ce qui se passe, mais y a moins d'histoires de Q au programme).

Notre collègue, qu'on appellera Samantha pour conserver son anonymat (et parce que c'est le pseudo qu'on lui a attribué, ce qui n'a strictement rien à voir avec Samantha Fox et son 95 E), a de multiples qualités que nous avons la joie d'exploiter chaque jour avec délectation.

Qualité 1 : La délation
Peu contente de notre accueil (il faut dire que ce n'est pas la première fois qu'elle nous rend visite), notre charmante collègue a donc tenu à faire savoir à notre hiérarchie quelle bande de méchantes et vilaines filles nous étions, et ce, dans les 2 h qui ont suivi son arrivée à l'école (niveau Moyenne Section, côté élèves : "maitresssssssssssse, ils sont méchants les autres !).
Ayant semble-t-il jugé cette action insuffisante, elle se précipita directement devant l'école pour raconter à nos bons parents d'élèves (toujours avides de ragots frais et juteux à notre égard) que nous étions toutes incompétentes et mal lunées, et que personne ne voulait venir dans notre école. (Niveau Grande section, on progresse : "Hé ben tu sais Prune-Lily elle a dit que j'étais pas sa copiiiiiiiine".)

Qualité 2 : l'égocentrisme
Si vous aussi, vous vous êtes toujours demandé ce que voulait dire ce mot, je vais vous éclairer.
Samantha ne parle que d'elle, de son travail, de ses fringues, de son manteau, de ses lunettes à 180 €, des 500 € de réparation qu'elle a mis sur sa voiture,  et surtout de ses malheurs :  Impossible d'arriver à l'heure car elle est coincée au passage à niveau... Impossible de faire des photocopies car la photopieuse lui en veut personnellement. Impossible de travailler dans une classe où vraiment, y a pas ce qu'il faut. (bah y a des tables, des élèves, des cahiers, des livres, des crayons... faut quoi ?!!!!!)
Quand Samantha entre dans une pièce, ou lorsqu'elle s'approche des gens (et de très près, de préférence), toute conversation précédente doit immédiatement être stoppée pour...qu'on l'écoute. Parler d'elle. Bien sûr.

Qualité 3 : Penser à voix haute
Samantha, quoi qu'elle pense, elle nous le dit. exemple :
"Alors, bon, voilà, là... en fait... y a une maman, bon, elle est sympa. Mais, bon, en fait, elle a apporté un sac, pour l'anniversaire de son fils. Ha oui... c'est toi qui me l'a donné. Oui, tu te rappelles, tu me l'as donné. Ce matin. Et là, bon, y a un gâteau. Ok. Bon, un couteau... Je peux trouver. Enfin, je pense. Et puis y a une bougie. Bon j'ai un briquet... Enfin, s'il marche. Et aussi, y a des boissons. Mais là.... je vois pas.... euh...."

Résumons cette phrase en français correct et logique d'instit "normal"
"Est ce que vous avez des gobelets pour les anniversaires dans les classes ?"

Qualité 4, être à l'ouest.
Samantha est une grosse accro à la cigarette. Du coup, à la récré, elle nous demande, dans son langage approximatif et complexe, de partir fumer. Ouais, bon, pourquoi pas, on va surveiller tes élèves à ta place, du moment qu'on peut passer 5 min à parler d'autre chose que de toi, nous on dit oui. Sauf que, dans notre école, les maîtresses doivent accompagner leurs élèves à la grille. C'est comme ça. C'est la règle. Du coup, si on oublie, les pauvres, ils sont tout désœuvrés, ils savent plus quoi faire, ils attendent, en regardant leurs parents qui les attendent, n'osant pas bouger. Retour de Samantha de la pause clope, les pauvres petits choux, tout contents, la suivent dans la cour, espérant rejoindre leurs familles dans un délai raisonnable... Sauf que la super instit avait juste... oublié ses élèves. Et pas vu qu'ils la suivaient, là, juste derrière elle, au travers de la cour de récréation. jusqu'au moment où une bonne samaritaine (moi, en l’occurrence) lui demande.... ce qu'elle fout ?! Et qu'elle se retourne, voit ses élèves, et leur dit.... "Bah qu'est ce que vous faites là ?????". Si, si. sans rire.

Samantha va nous quitter bientôt.... Plus personne pour nous parler à moins de 10 cm (Jamais entendu parler de la sphère privée auquel tout être humain a légitimement droit ?). Plus personne pour nous héler dans la cour "eh toi, comment tu t'appelles ? ça marche plus la photocopieuse !"...

Finalement, je stresse. je crois qu'on va s'ennuyer, chez les Bisounours.



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